La nouvelle économie de l’énergie, une chance pour nos régions

Big Data, « smart grid », agrégateurs, stockage d’électricité, « smart building », « power to gas »… Autant de termes inconnus du monde de l’énergie il y a encore dix ans, auxquels les acteurs de cette filière sont désormais familiarisés. La transition énergétique, non pas celle décrétée par la loi, mais celle issue des innovations technologiques et des ruptures d’usage, se traduit par une évolution majeure : l’émergence du modèle décentralisé conduisant au transfert de la valeur ajoutée de l’amont vers l’aval de la chaîne énergétique.

Dans le modèle centralisé, en place depuis plus de soixante ans en France, l’offre, c’est-à-dire la production d’énergie, domine et guide la demande. Le modèle décentralisé, lui, redonne le pouvoir au consommateur d’énergie au cœur du nouveau système énergétique en s’appuyant sur le fort développement des énergies renouvelables, les évolutions technologiques en matière d’efficacité énergétique, la gestion intelligente des réseaux et les progrès en matière de stockage d’électricité.

Cette nouvelle donne engendre une profonde mutation des groupes énergétiques traditionnels, qui voient émerger à leurs côtés de nouveaux acteurs issus notamment du monde du numérique, des télécoms ou des sciences comportementales. Ces « utilities » ont le choix entre révolutionner en profondeur leur stratégie (comme l’allemand E.ON) ou s’adapter progressivement, notamment à la faveur d’alliances (comme l’ex-GDF Suez, Engie). En France, force est de constater que la loi de transition énergétique, bientôt adoptée, reste bien timide sur ces phénomènes, qu’elle n’a su ni anticiper ni accompagner. Avec la décentralisation, une partie importante de l’énergie du futur sera produite régionalement, à petite échelle. En fonction de la géographie, des ressources, des besoins et du climat local, elle sera distribuée et échangée localement grâce à des « smart grids » et des « micro-grids », et éventuellement stockée. La « plus petite de ces échelles » sera le bâtiment.

Sur le plan politique, le modèle décentralisé doit mettre les nouvelles régions au cœur de l’organisation du paysage énergétique. Le législateur devra faire en sorte que ces collectivités territoriales soient en situation de mener ces politiques énergétiques et d’encourager les initiatives des acteurs locaux, notamment producteurs. Les régions devraient disposer d’un droit à l’expérimentation élargi en vue de les rendre maîtres d’œuvre de la transition énergétique sur leur territoire. Pensons à l’impact que pourrait avoir un grand plan en faveur de la méthanisation pour la sécurité d’approvisionnement et les revenus des agriculteurs pour une région comme la Bretagne…

Enfin, l’énergie est aujourd’hui un sujet d’innovation. Les régions devront davantage accompagner les entreprises innovantes dans leur financement et aider à développer la recherche. Les territoires doivent donc travailler à favoriser la création de start-up et de nouvelles entreprises, notamment autour des nouvelles formes d’énergie. Cela passe par le développement de démonstrateurs, véritables projets pilotes qui permettent de confier à des acteurs innovants, sur une base partenariale, la recherche et la mise en place de solutions.

Sur le plan économique, l’« uberisation » du secteur est en marche, les récentes initiatives d’Elon Musk, patron de Tesla, en témoignent. Celle-ci n’est pas une menace pour la France, qui dispose de nombreux atouts pour faire fructifier cette nouvelle donne. Nos champions mondiaux, comme Total, EDF, Engie ou Schneider, ainsi que nos gestionnaires de réseaux performants doivent intégrer cette mutation en renforçant leurs efforts d’innovation vers le client-consommateur, demain producteur, et surtout accompagner le vivier des nombreuses jeunes entreprises innovantes qui ont bien compris qu’elles étaient au cœur de la nouvelle économie de l’énergie.

 

 

 

 

Source : www.lesechos.fr