Anne Bringault : «Sur la transition énergétique, le plus gros reste à faire»

INTERVIEW Coordinatrice sur la transition énergétique pour les ONG et associations, Anne Bringault souligne l’importance des tous derniers arbitrages sur le projet de loi débattu ce mercredi en dernière lecture à l’Assemblée nationale.
Le projet de loi sur la transition énergétique entame sa toute dernière ligne droite. Au terme d’une gestation de près de trois ans agrémentée de moult rebondissements, ce texte, présenté par François Hollande comme «l’un des plus importants du quinquennat», sera débattu en dernière lecture à l’Assemblée nationale mercredi. Ce qui est loin d’être une simple formalité, selon Anne Bringault, coordinatrice des activités des ONG sur la transition énergétique pour le CLER-Réseau et le Réseau action climat.
Cette dernière étape est-elle importante ?
Oui, c’est loin d’être une simple formalité. Il y a encore des points majeurs de la loi qui sont en débat, car le Sénat en a modifié plusieurs, certains dans le bon sens, d’autres dans le mauvais. Les sénateurs ont par exemple proposé une trajectoire d’augmentation de la composante carbone qui est déjà présente dans les taxes payées sur les carburants ou le fioul. Cela va dans le bon sens, car ça permet de lutter contre le changement climatique causé par les émissions de gaz à effet de serre, en incitant à changer de comportements. Pour que cela soit efficace, il faudrait augmenter celle-ci pour atteindre 56 euros la tonne de CO2 en 2020 et 100 euros en 2030. Nous espérons vraiment que l’Assemblée nationale validera cette modification.

A l’inverse, un amendement gouvernemental voté au Sénat va dans le mauvais sens : il supprime toute référence à une date de publication de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), qui permettait de mettre en musique concrètement les objectifs inscrits dans la loi, notamment sur les énergies renouvelables. C’est un très mauvais signal. Nous demandons à revenir à la version de l’Assemblée nationale, qui prévoyait une publication avant le 31 décembre. C’est indispensable, pour que les objectifs ne restent pas lettre morte.

Le Sénat a aussi une nouvelle fois supprimé l’échéance de 2025 pour réduire la part du nucléaire à 50% de la production d’électricité, contre 75% aujourd’hui…
Oui, il avait supprimé cet engagement présidentiel en première lecture, l’Assemblée l’a rétabli, mais le Sénat l’a à nouveau supprimé en deuxième lecture. Il a aussi augmenté le plafond de la capacité totale autorisée pour le nucléaire. Mais je pense que sur ces points, l’Assemblée remettra les choses d’aplomb.

Le Sénat a aussi supprimé le caractère obligatoire à partir de 2018 des plans de mobilité pour les entreprises de plus de 100 salariés. C’est regrettable et nous demandons aussi sur ce point à ce que l’Assemblée revienne à sa version. Cela nous paraît important : 70% des Français prennent leur voiture individuelle pour se rendre au travail, alors que ces plans de mobilité pour les entreprises seraient un outil efficace pour les faire changer de comportement et opter par exemple pour le covoiturage.

Un autre point concerne l’éolien : il y a eu beaucoup d’attaques contre celui-ci, notamment au Sénat. Nous demandons que cette énergie ne subisse pas de freins supplémentaires, alors qu’elle se développe partout dans le monde et que les coûts des énergies renouvelables ne cessent de baisser. L’Assemblée nationale doit maintenir à 500 mètres la distance entre les éoliennes et les habitations.

Finalement, cette loi sera-t-elle ambitieuse ?
Pour ce qui est des objectifs, oui. Que ce soit pour l’évolution du mix énergétique ou la baisse des émissions de gaz à effet de serre, il est important de les avoir. En revanche, pour ce qui est des mesures concrètes, c’est moins satisfaisant et le plus gros reste à faire. C’est pour cela qu’il est important de fixer une date de publication pour la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). Le texte comporte aussi des lacunes, surtout sur les transports. Il n’y a rien sur les transports en commun, le report modal ou les transports de marchandises. Quand on sait que ce secteur est le premier émetteur de gaz à effet de serre en France, c’est plus que dommage.
Source : Coralie SCHAUB, www.liberation.fr