Le candidat François Hollande avait fait en 2012 de l’écologie l’un des piliers de son programme présidentiel et de son ” agenda du changement “. D’abord annoncé pour l’été 2013, ” l’un des textes les plus importants du quinquennat ” selon le chef de l’Etat, devait être ” conclu d’ici la fin de l’année 2014 “. La loi sur la transition énergétique vient finalement d’être adoptée en dernière lecture, mercredi 22 juillet, par l’Assemblée nationale . Malgré le retard, le gouvernement compte bien s’appuyer sur ce totem écologique à l’approche de la conférence mondiale sur le climat, la COP21, qui se tiendra en décembre à Paris. Si Ségolène Royale, la ministre de l’écologie, se félicite d’un texte ” coconstruit ” par les deux chambres du parlement, la réalité est tout autre. Députés socialistes et écologistes se sont, dans l’ensemble, contenté de réinscrire dans la loi ce que le Sénat s’appliquait à détricoter.
L’énigme Fessenheim
Le passage de la part du nucléaire dans la production d’électricité de 75 % à 50 % à l’horizon 2025, inscrit dans le projet de loi lors de sa présentation en conseil des ministres, est bien acté dans la version finale . L’échéance est conforme à l’engagement du président de la République, contre l’avis de l’opposition, qui refusait d’établir un calendrier précis pour la transition.
La capacité maximale de production du nucléaire est plafonnée à 63,2 gigawatts (GW), son niveau actuel, comme il en était question au début des débats. En février dernier, la commission des affaires économiques du Sénat avait tenté de la relever à 64,85 GW.
Le chiffre aura sans doute une incidence sur la très symbolique promesse de fermer la centrale nucléaire de Fessenheim à la fin 2016 . En l’état actuel, quand l’EPR de Flamanville sera mis en service dans la Manche , EDF devra nécessairement fermer des réacteurs de puissance équivalente pour ne pas dépasser le plafond des gigawatts. Néanmoins, si les deux réacteurs alsaciens semblent devoir en être les premières victimes, la loi sur la transition énergétique ne fait aucune mention explicite de leur fermeture, et Ségolène Royal n’a jamais tranché la question.
L’Assemblée plus ambitieuse que l’exécutif
Alors que les énergies renouvelables ne représentaient que 13,7 % du bouquet énergétique en 2012, l’objectif désiré pour 2030 était de 32 %. Le chiffre a bien été confirmé par le Parlement, en plus d’un palier intermédiaire (23 % d’énergies renouvelables en 2020).
Le gouvernement souhaitait diviser par quatre les émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2050. Le texte voté prévoit une réduction de cette ampleur, avec une étape, en 2030, à -40 % d’émissions de gaz à effet de serre par rapport à 1990.
Si l’activité de la majorité s’est globalement résumée à l’approbation du projet de loi originel, l’Assemblée nationale est tout de même allée plus loin que le gouvernement sur la taxe carbone , aujourd’hui fixée à 14,5 euros la tonne. Pour inciter les industriels à réduire leurs émissions, la tonne devra atteindre 56 euros en 2020 et 100 euros en 2030.
“100 000 emplois en trois ans”
Ségolène Royal a affirmé que la transition énergétique telle qu’elle sera menée permettra “la création de 100 000 emplois” en trois ans. De surcroît, elle a réitéré une promesse faite en juillet 2014 : débloquer 10 milliards d’euros d’aides pour faciliter ” la croissance verte “. L’investissement public prendra notamment la forme de crédits d’impôt ou de prêts à taux zéro pour encourager la rénovation thermique des logements .
L’an dernier, l’exécutif proposait un allègement fiscal de 30 % pour les travaux de rénovation énergétique engagés entre le 1er septembre 2014 et le 31 décembre 2015. Ou encore la mise en place d’un chèque énergie pour les ménages modestes (EPT). Ces mesures ont bien été entérinées, ainsi que l’obligation de rénovation énergétique pour les bâtiments privés résidentiels d’ici 2025.
La concrétisation repoussée à 2016 ?
Alors que le projet de loi a été adopté avec un retard certain sur le calendrier initial, se pose maintenant la question de l’application des mesures. La ministre de l’écologie a promis que les premiers décrets seront publiés dès la rentrée 2015. 18 décrets et 27 ordonnances seraient en préparation.
Problème : aucune mention n’est faite dans le texte de loi de la ” PPE “, la programmation pluriannuelle de l’énergie, qui doit permettre de déterminer par étapes la marche à suivre pour les différentes filières énergétiques. Un amendement gouvernemental, validé au Sénat, a fait passer à la trappe la prochaine ” PPE “, initialement prévue fin 2015 pour gérer la période 2016-2018. Pourtant, les consultations autour de la ” PPE “ avaient commencé en mars dernier.
” La loi qui résultera de nos travaux ne sera pas promulguée avant le mois de septembre prochain, a estimé le rapporteur de la commission des affaires économiques Ladislas Poniatowski (LR). Il est donc normal que le gouvernement demande un délai supplémentaire “. La ministre de l’écologie a confirmé en expliquant que ” le délai est extrêmement court “. La mise en chantier de la transition énergétique semble donc repoussée, au moins, à 2016.
Source : Thibault Saingeorgie, www.luipresident.blog.lemonde.fr