Les collectivités territoriales et le climat : du local au global

Le 22 mai dernier, l’Atelier Energie & Territoires accueillait dans le cadre de ses Matinales, Ronan Dantec, Sénateur EELV de Loire-Atlantique et porte-parole de l’Organisation mondiale Cités et Gouvernements Locaux Unis (CGLU). Les discussions ont principalement porté sur les enjeux de la COP21 et la contribution des collectivités locales. L’occasion aussi d’un zoom sur l’intérêt des TÉPos, objet des travaux de l’Atelier Energie & Territoires, pour l’année 2015.

 

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Ronan Dantec

« La tension monte, ça chauffe ». C’est par ces mots que Michel Micheau, membre du comité scientifique de l’Atelier Energie & Territoires, a débuté la Matinale du 22 mai dernier – en arborant un magnifique nœud de papillon bleu et vert . On ne saurait mieux dire : ça chauffe en effet dans les couloirs de l’administration en charge de l’organisation de la COP21 Paris 2015 qui doit se dérouler du 30 novembre au 11 décembre prochain, au Bourget, pour le débat, au Grand Palais pour l’exposition d’initiatives concrètes. Mais ça chauffe aussi sur les bancs de l’assemblée, au sein de la majorité, etc. Sans compter la montée en puissance d’une mobilisation générale de la société civile, des territoires locaux, des entreprises, etc. Les 1er et 2 juillet prochain doit se tenir à Lyon le Sommet mondial « Climat et Territoires », censé recueillir les propositions des acteurs non étatiques . La veille et avant veille de la Matinale, se tenait le Business & Climate Summit, organisé à l’initiative des principaux réseaux internationaux d’entreprises et que le Président de la République, François Hollande a honoré de sa présence pour rappeler les industriels à leur responsabilité.

Si donc, ça chauffe effectivement, on n’a guère, en revanche, enregistré de montée de la température à l’issue de cette matinale-ci. Non que notre audité lui ait imprimé le rythme d’un pas de sénateur. Mais le public, venu nombreux, a manifestement trouvé un intérêt à ses éclairages sur les véritables enjeux de la COP21, comme sur le projet de loi sur la transition énergétique. Cela fait, il est vrai, bien des années que cet élu du Pays de la Loire a fait de la question du climat un enjeu majeur de mobilisation des collectivités locales. Depuis plusieurs années, il assume le « porte-parolat » de l’organisation mondiale des Cités et Gouvernements Locaux Unis (CGLU) dans les négociations internationales sur le climat ; il préside par ailleurs le groupe de travail climat du réseau des villes européennes Eurocities. On ne compte plus les commissions auxquelles il a participé.

En 2013, il remettait un rapport cosigné par Michel Delebarre (Sénateur du Nord), dans le cadre de la mission parlementaire que lui avait confiée Jean-Marc Ayrault, riche d’une trentaine de propositions parmi lesquelles un appel à un réel accompagnement des collectivités sur les objectifs climatiques (l’Etat ne pouvant se borner à dire aux élus d’appliquer la loi) ou encore une implication des mêmes élus locaux dans la coopération internationale dans une perspective de mutualisation. On peut notamment y lire : « Il est aussi raisonnable de considérer que 50% au moins des émissions mondiales de CO2 sont directement en lien avec les décisions prises localement ».

Au fil de l’audition de la Matinale, on a pu ainsi prendre la mesure non seulement de sa maîtrise des dossiers, mais peut-être aussi et surtout, de sa capacité à « décoder » des enjeux de débats : la COP21 Paris 2015, donc, mais aussi la fiscalité verte et jusque et y compris le mouvement des bonnets rouges contre les portiques de l’écotaxe. Sans oublier la signification à attendre des TÉPos, thème des travaux de l’Atelier Energie & Territoires pour l’année 2015.

La COP21 Paris 2015

Une 21e Conférence des Parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (COP), à quoi bon, serait-on tenté de dire au vu des résultats obtenus par les précédentes. Celle de Copenhague n’a-t-elle pas illustré l’incapacité des Etats, ceux du nord, en développement ou émergents à se mettre d’accord ? D’emblée, Ronan Dantec a tenu à souligner au contraire l’importance de celle qui allait se dérouler à Paris environ 200 jours. «  Ce qui va se jouer à cette occasion, ce n’est pas tout à fait rien. » Certes, il y a de quoi se montrer impatient devant ce qu’il appelle non sans humour le « World Negociation Circus Tour » – ces négociations ou conférences internationales auxquelles participent quelques milliers d’experts et haut-fonctionnaires « avec la promesse de se voir à la suivante pour enfin trouver un accord ». Mais, depuis Copenhague, force est de constater qu’un chemin a été parcouru. « Il est admis que nos sociétés ne peuvent subir un réchauffement climatique de 5° sur l’ensemble du XXIe siècle » Et le même de rappeler la prise de conscience d’un risque d’exacerbation de toutes les crises – alimentaires, agricoles, etc. – et des conflits, si la planète devait continuer à se réchauffer.

Songeait-il aux événements du Proche et du Moyen-Orient ? Toujours est–il qu’il a mis en garde contre les risques de repli territorial « à coup de kalachnikovs et de fils barbelés ». Le monde actuel n’est d’ailleurs pas sans inquiéter, éclaté qu’il est entre le monde sunnite et le monde chiite, les grands pays émergents, les pays industrialisés, etc. ; le Yémen, l’Ukraine et la Syrie esquissant une nouvelle ligne de fracture. On l’aura donc compris : le climat est bien plus qu’un enjeu environnemental. « C’est un enjeu de civilisation ». « Le réchauffement auquel nous assistons engage notre responsabilité à l’égard des jeunes » (lesquels étaient d’ailleurs très présents à cette Matinale, comme il s’est réjoui de le constater).

Dès lors, la négociation sur le climat ne saurait être envisagée comme une négociation sur une question environnementale, comme l’avait été celle sur la couche d’ozone (il s’agissait alors d’amener quelques dizaines d’industriels à changer leur process industriel pour se passer de chlorofluorocarbure, à l’origine de la destruction de cette couche). Il s’agit cette fois de réduire les émissions de CO2, non sans affecter les régulations économiques, les dynamiques de développement des pays, qu’ils soient industrialisés ou émergents.

Là où d’aucuns s’inquiètent justement des égoïsmes nationaux, du clivage entre pays occidentaux et pays émergents, lui se veut plus optimiste au vu du changement d’état d’esprit des parties prenantes aux négociations, intervenu ces toutes dernières années. « Jusqu’ici les pays émergents considéraient que c’était aux pays industriels d’effectuer les plus gros efforts, au risque sinon de contrarier le développement économique et social auquel ils pouvaient prétendre.» Soit, la position de la Chine et de l’Inde. De fait, il était difficile de faire admettre à leurs populations qu’ils n’auraient pas le droit au même niveau de développement connu par les vieux pays industrialisés.

Pourtant, le même considère que, somme toute, les négociations avancent bel et bien, Copenhague ayant marqué, selon lui, la fin d’un cycle : « Jusqu’ici les émergents ont essayé de faire porter l’effort sur les pays occidentaux au prétexte qu’ils étaient plus anciennement industrialisés et donc responsables des CO2 accumulés depuis le XIXe. »

La conférence de Durban (COP de 2011) a, depuis, marqué un tournant : il est désormais admis que les efforts doivent être répartis et que les pays émergents doivent à leur tour consentir à un effort. Dès lors, l’enjeu de la COP21 Paris 2015 n’est pas tant de régler une fois pour toute la question du réchauffement climatique, mais d’acter une répartition équilibrée des contributions des uns et des autres. « La négociation consistera à se mettre à la place de l’autre. Deux questions distinctes se posent : comment amener les pays à un point de régulation ? La réponse ne peut être que politique. Comment définir des points d’équilibre par grandes questions ? Ceci est du ressort des experts. » Si un défi demeure entier, c’est bien celui de la connaissance : « les expertises techniques sont là, mais désormais, on aurait besoin d’esprits encyclopédiques ; les experts techniques, raisonnent encore en silos, manquent de vision systématique. »

La fiscalité verte / le prix de la tonne de carbone émise

Reste à savoir aussi sur quel prix de la tonne de CO2 s’accorder. «  La question est loin d’être réglée mais, au moins, est-elle sur la table. » Pour mémoire, ce principe s’est imposé pour réguler les économies aussi bien nationales que mondiales en intégrant le coût des externalités négatives produites par les émissions de CO2 dans le prix des marchandises.

Les moyens de sa mise en œuvre sont connus – ils ont fait l’objet d’une Matinale avec notamment Christian de Perthuis et déjà réalité dans différentes parties du monde. Il s’agit pour l’essentiel des marchés de droits d’émissions de CO2 (sur le modèle de celui mis en place au sein de l’Union européenne dans le cadre de la ratification du protocole de Kyoto), d’une part, et des écotaxes, d’autre part.

– Les premiers ont été conçus à l’intention des grands industriels, les plus vertueux ayant la possibilité de revendre leur surplus de droits d’émission aux industriels les plus pollueurs, le prix étant fixé par la puissance publique. Sur le papier, ce mécanisme était une solution pertinente. En réalité, il n’est pas parvenu à faire ses preuves. Face à la crise économique et financière, le prix du droit d’émission a été maintenu à un niveau faible et donc peu dissuasif (les industriels les plus émetteurs ont finalement plus intérêt, du moins à cours terme, à acheter des droits qu’à investir dans des processus moins polluants). L’heure est donc à la re-mobilisation des industriels. C’est tout l’enjeu du Climate Business Summit, évoqué plus haut.

Au plan mondial, l’enjeu, rappelle Ronan Dantec, est de faire admettre un prix carbone différencié selon les pays (pour prendre en compte leur inégal niveau de développement). « A l’évidence, les Etats-Unis n’y sont pas prêts, compte tenu de leur volume d’émissions. » Et l’Europe, que fait-elle ? Elle n’est pas inactive, loin de là. « Seulement, déplore Ronan Dantec, les négociations relatives à la taxe carbone et celles au libre échange ne sont pas portées par les mêmes Directions Générales. » (Action pour le climat, d’une part, Commerce, d’autre part).

Les écotaxes sont, elles, conçues à l’attention des consommateurs. Le moins qu’on puisse dire est que leur mise en place s’est heurtée et se heurte encore à des résistances, en France, du moins, comme on l’a vu avec la remise en cause du projet gouvernemental. Un épisode dont Ronan Dantec a proposé, au passage, un « making off » on ne peut plus éclairant et à rebours des interprétations qui en ont été données. Rappels des faits : en 2013, le gouvernement adoptait des mesures fiscales relatives à la pollution des véhicules de transport et de marchandise ; des portiques de détection pour l’écotaxe sont mis en place à titre expérimental en Bretagne. L’un d’eux, situé à proximité de Morlaix est pris d’assaut en octobre 2013, par plusieurs personnes coiffées d’un « bonnet rouge ». On connaît la suite : le gouvernement renonce à l’imposition de l’écotaxe ; les portiques sont démantelés…

Là où d’aucuns y ont vu l’échec d’une réforme sous la pression d’un mouvement de protestation légitime de catégories socioprofessionnelles (en l’occurrence, des transporteurs, déjà fragilisés par la concurrence européenne) et/ou d’un territoire (la Bretagne) encore tributaire du transport autoroutier, il y voit le fruit d’une action d’une coalition hétéroclite d’acteurs, aux motivations variées, face à un gouvernement qui n’a pas su mettre en avant les vertus de l’écotaxe.

La coalition en question réunissait de fait des agriculteurs qui y ont vu là l’occasion d’exprimer un malaise dont l’écotaxe n’était pourtant en rien responsable, les « lobbying » de l’industrie agroalimentaire et de la grande distribution et enfin des organisations syndicales confrontées à des luttes internes (la Fédération Nationale des Transports Routiers s’était pourtant dite au début favorable à l’écotaxe), sans oublier un élu qui soufflait sur des braises. Bref, un cocktail détonnant, mâtiné de populisme, qui a pu faire illusion quant à son unité, à la faveur d’une démission des parlementaires et de l’inaptitude des médias à rendre compte des vrais enjeux du conflit. Sans compter la position du ministre de l’Ecologie, du Développement Durable et de l’Energie, Ségolène Royal, qui en est venue à justifier le renoncement à cette écotaxe par son refus d’une « écologie punitive »… Comble des paradoxes : les Bretons paieront finalement plus pour l’AFIT (Agence de Financement des Infrastructures de Transport). Que ce qu’ils auraient versé au titre de l’écotaxe…

En réalité, loin d’alourdir la pression fiscale sur les ménages, la fiscalité verte, serait l’occasion d’augmenter les marges de manœuvre d’un gouvernement pour réduire le coût du travail et/ou les tranches inférieures de l’impôt, grâce, précisément, aux nouvelles recettes procurées par les deux mécanismes (marchés de droit d’émission et écotaxe). Ce dont quelques pays témoignent. Ronan Dantec cite en particulier le cas de la Suède parvenue à hisser le prix de la tonne de carbone à 100 euros la tonne, ou encore de la Colombie Britannique, qui en est à 30 euros. On mesure par contraste le « retard » de la France, quant à la juste compréhension de l’intérêt d’une fiscalité verte.

La loi relative à la transition devrait cependant être l’occasion de le combler en réintroduisant le principe d’une écotaxte. C’est ce que veut croire Ronan Dantec, qui se dit également confiant quant à l’engagement de la France en faveur d’une augmentation du prix de la tonne de carbone dans le cadre du système européen de droit d’émission. Le même s’est plu aussi à rappeler la présence du Président de la République, au Climate Business Summit.

Une grille de lecture positive

Les participants ne pouvaient qu’être surpris par la détermination tranquille de l’audité du jour, même s’ils eurent d’autres occasions d’en prendre la mesure. L’explication pourrait bien tenir au choix de sa grille de lecture pour appréhender les enjeux contemporains liés au climat : elle ne se focalise plus seulement sur les Etats (dont l’apparent immobilisme pourrait entretenir le pessimisme), mais sur les entités infra-étatiques et transnationales. Vu sous cet angle ou par ce prisme, le monde paraît plus en mouvement, sous l’action des collectivités, de la société civile et, dans une certaine mesure aussi, des entreprises. Et Ronan Dantec de rappeler le sommet auquel doivent participer les 9 acteurs majeurs du développement durable (major groups) identifiés par l’ONU : ONG, salariés et syndicats, autorités locales, les entreprises et industries, etc. Il n’est pas jusqu’aux peuples autochtones qui se révèlent des acteurs de poids du fait du rôle des surfaces forestières de leurs territoires respectifs, dans le stockage de CO2, et qui ont d’ailleurs pris des engagements, souvent aussi importants que ceux d’industriels. Notons au passage que cette même grille aurait permis de tirer un bilan plus positif du protocole de Kyoto en montrant que si le gouvernement fédéral des Etats-Unis ne l’a pas ratifié, plusieurs des Etats et villes de ce même pays s’étaient employés à le mettre en œuvre.

Bref, les acteurs non étatiques ou infra-étatiques comptent et permettent de peser sur les pouvoirs centraux. « Certes, ils ne sont pas à la table des négociations, mais ils prennent part à l’amélioration des textes, en amont. » Au final, le plus important lui paraît d’enclencher une dynamique. « C’est d’elle que viendra l’émulation à même d’atteindre les objectifs. »

Que penser des TÉPos ?

Naturellement, la Matinale a été l’occasion d’aborder la question des TÉPos/TEPCV, à laquelle l’Atelier Energie & Territoires consacre son programme de travail pour l’année 2015. A la question de savoir quel intérêt ils représentent, il répond sans ambages : « Ce n’est pas le sujet ! ». Tout simplement, argue-t-il, parce que tous les territoires sont désormais tenus, par la loi relative à la transition énergétique pour une croissance verte, de mettre en place des Plans climat en conformité avec les objectifs fixés au plan national, à commencer par une réduction de 40% de leur émission de gaz à effet de serre d’ici 2030. La question n’est donc pas de savoir comment les territoires peuvent s’autonomiser au plan énergétique, mais comment ils avancent par rapport à ces objectifs nationaux. Le même Ronan Dantec s’est amusé à rappeler que si on prenait l’autonomie au pied de la lettre, force serait alors d’admettre qu’une commune comme Flamanville pourrait, avec sa centrale nucléaire, prétendre au statut de TÉPos particulièrement exemplaire (en plus d’être autonome, elle pourvoit le reste du pays en électricité).

Si les TÉPos/TEPCV ont un mérite, il réside davantage dans le fait de se prêter plus facilement à un traitement médiatique. Mais en termes d’ambition, ils sont en deçà de celle de la loi sur la transition énergétique. « Cette loi n’est pas parfaite, mais elle permet d’avancer. Les enjeux principaux sont ceux de la formation et de la capitalisation des entreprises vertes. Plus vite on aura démonté Fessenheim, plus vite n aura acquis des compétences pour conquérir des marchés étrangers »

Un nécessaire principe de solidarité

Au cours de la précédente Matinale, Bruno Charles, membre de la même formation politique que lui (et par ailleurs membre du comité scientifique de l’Atelier Energie & Territoires) avait insisté sur la nécessité de préserver le principe de solidarité interterritoriale qui sous-tend le système énergétique issu de l’après Seconde Guerre mondiale. Ce que Ronan Dantec a dit parfaitement comprendre. « Je suis aussi pour le principe d’une solidarité nationale ». Et le même d’égratigner au passage un slogan comme celui qui veut que «  Le vent des Picards [serait] pour les Picards ».

Cela étant dit, Ronan Dantec a reconnu un autre mérite aux TÉPos/TEPCV, celui de relayer le message que sous-tend la loi sur la transition énergétique, à savoir le fait que le pays prenait désormais acte de « l’essoufflement de son système énergétique constituée depuis l’après Seconde Guerre mondiale autour de centrales nucléaires ». Et le même de déplorer que la France soit l’un des derniers pays, avec la Chine, à continuer à investir dans cette énergie, là où il faudrait valoriser des compétences dans le démantèlement des centrales. A l’entendre, notre pays n’aurait de toute façon plus le choix, du fait de la pression grandissante de plusieurs évolutions :

– technologique, d’abord. « Ce qu’on pensait ne pas pouvoir faire il y a encore quelques années – le stockage à grande échelle pour pallier le caractère intermittent des énergies éolienne et photovoltaïque – est désormais envisageable. » A quoi il ajoute les perspectives offertes par les applications mobiles, la domotique et sa gestion à distance, etc., qui dissuaderont les particuliers à payer le raccordement de leur foyer et par voie de conséquence le principe de solidarité…

– la libéralisation du marché européen, ensuite, qui revient à contester les monopoles nationaux.

Quel échelon pertinent ?

A quoi s’ajoute une mobilisation des territoires, qui se manifeste par la définition de stratégies énergétiques territoriales. Reste à savoir quel est l’échelon le plus pertinent. Une question qui se pose aujourd’hui plus que jamais et qui a d’ailleurs été soulevée au cours des échanges avec la salle, tandis que s’élabore la loi relative à la réforme territoriale, menée concomitamment à l’élaboration de la loi sur la transition énergétique.

Ancien élu de la Métropole de Nantes, Ronan Dantec a tenu à mettre en avant l’intérêt de l’intercommunalité. « C’est a priori l’échelle la plus adaptée dans la mesure où elle met clairement en évidence l’enjeu d’une animation de la politique énergétique sur plusieurs territoires. » Il a aussi mis en avant l’entité régionale pour l’identité culturelle plus affirmée dont elle jouit, comparée à une agglomération. Il a cependant reconnu l’intérêt d’autres échelles pour conclure finalement que « nous avions besoin des 4-5 échelles existantes ». « Le défi n’est pas de trouver un territoire miracle, car il n’y en a tout simplement pas, mais de savoir articuler les échelles.»

La métropolisation dont le législateur a pris acte de la réalité en renforçant les pouvoirs de métropoles ne risque-t-elle pas de fragiliser les territoires ruraux, y compris dans le domaine énergétique ? Autant les premières peuvent se doter d’une ingénierie propre, autant les seconds en seront démunis… Cette question, également venue de la salle a donné lieu à une réponse plutôt surprenante quand on connaît le positionnement de EELV sur ce dossier des métropoles. Quitte à être un « écolo atypique », Ronan Dantec s’est dit partisan de cette métropolisation. « Contrairement à la perception qu’on en a, la métropole n’est pas indifférente au reste de son territoire. » Et pour cause : « aucun élu métropolitain ne pourra prétendre se faire réélire en entretenant des territoires délaissés à sa périphérie. »

En référence manifeste aux travaux de l’économiste Laurent Davezies, il rappelle que, loin de souffrir de la proximité d’une ville métropole, des villes moyennes en tirent profit pour leur propre prospérité. « La dynamique métropolitaine déborde son périmètre pour profiter au reste d’une Région ». Au plan des outils de planification, il considère que le Scot est à cet égard plus qu’adapté à une animation du territoire, intégrant la ruralité.

En conclusion, Ronan Dantec faisait mine de s’étonner : «  Je ne comprends pas pourquoi EDF continue à m’inviter ». De fait, ce qu’il dit de l’avenir du système énergétique à dominante nucléaire n’était pas forcément agréable à entendre pour les représentants de l’énergéticien public, présents dans la salle. Nous, nous savons pertinemment pourquoi. D’abord, l’Atelier Energie & Territoires est un Think Tank ouvert à toutes les parties prenantes des enjeux énergétiques, qui savent défendre un point de vue, sans langue de bois (il suffit d’ailleurs de se reporter à la liste des invités qui s’y sont succédé pour en témoigner). Ensuite, il donne raison au parti pris de ce même Think Tank, d’appréhender la question énergétique par le prisme des territoires. Et comme l’a résumé Philippe Labro, secrétaire général de l’Atelier Energie & Territoires, les points de divergence n’empêchent pas les points de convergence, y compris sur l’essentiel : « Nous nous retrouvons sur les mêmes objectifs planétaires. Si désaccord il y a, il réside éventuellement dans les moyens utilisés pour les atteindre et le timing.»

Source: www.edfvilledurable.fr