D’ici à la fin de l’année 2015, près de 40 parcs éoliens atteindront 1,2 gigawatts de puissance.
Ils pourront fournir à l’Uruguay, en production maximale, l’équivalent de toute sa consommation électrique.
Ce petit pays sud-américain a tout misé sur les énergies renouvelables.
Sur le port de Montevideo gisent d’immenses mâts blancs. À leurs côtés, des pales aux formes ondoyantes. Ces géants de matériau composite attendent d’être hissés sur les collines uruguayennes, déjà hérissées de centaines d’éoliennes.
D’ici à 2016, 30 % de l’électricité du pays proviendra du vent. « Un record mondial », souligne fièrement Daniel Pérez, ex-directeur du Programme d’énergie éolienne. Et à certains moments de la journée, lorsque les conditions le permettront, cette proportion s’élèvera à 100 %, soit 1,2 gigawatts.
UN PAYS TRÈS RURAL ET VENTEUX
Les éoliennes se fondent désormais dans le paysage, avec 18 parcs en fonctionnement et autant en construction. Le vent fait partie du quotidien des Uruguayens. Des vents constants et répartis de manière uniforme sur tout le territoire.
Avec 3,3 millions d’habitants et « une densité de la population basse, le pays est très rural et dispose d’un réseau routier développé », précise Daniel Pérez.
Agriculteurs et éleveurs, qui touchent entre 4 500 et 22 000 € par éolienne et par an, voient d’un bon œil l’arrivée des moulins, au pied desquels paissent les vaches. Ils n’ont pas le choix : le vent est un bien public, et un propriétaire ne peut refuser l’installation d’un parc sur ses terres.
« L’ÉOLIEN NOUS PERMET D’ÊTRE INDÉPENDANTS »
Le programme éolien a été lancé en 2008 alors que l’électricité était assurée par des barrages hydroélectriques, de plus en plus confrontés à la sécheresse. Mais il a été plus pragmatique qu’écologique.
« Nous n’avons aucune ressource. Tous les cours d’eau sont exploités. L’éolien nous permet d’être indépendants, explique Ramón Méndez, ancien secrétaire d’État à l’énergie. Il n’a pas impact sur l’environnement. Il est durable. Il crée des milliers d’emplois. Enfin, c’est un excellent business, il faut juste amortir l’investissement initial : le combustible est gratuit. »
DES INVESTISSEMENTS PRIVÉS
En fait, l’État, incapable d’investir autant, a lancé des appels d’offres auprès de sociétés privées, étrangères ou locales, attirées par de fortes incitations fiscales.
Elles s’engagent à ne vendre l’électricité qu’à la compagnie nationale, en échange de quoi celle-ci achète la totalité de la production à 58 € le megawatt/heure. Dans vingt ans, elles devront plier bagage et laisser le terrain dans l’état où elles l’auront trouvé.
LA LOURDE INSTALLATION DES PARCS
Une clause qui semble difficile à tenir, lorsque l’on sait ce que signifie l’installation d’un parc : construction de chemins suffisamment larges pour permettre le transport de très longs mâts, dynamitage de morceaux entiers de collines, comme sur le site du parc “R del Sur”, de capitaux uruguayens et espagnols.
Ici, « on a fait sauter 20 000 m 3 pour construire une station au pied des moulins », raconte Felisindo Castro, le responsable du parc, désignant les 25 éoliennes installées près de San Carlos, dans la Sierra de los Caracoles (Maldonado).
« Nous avons tout fait pour le minimiser, mais l’impact n’est pas nul »,reconnaît-il. Les collines étaient couronnées de murs de pierre, des« caírnes », datant du XIXe siècle. Il n’en reste que quelques pans épars.
DES MENACES ÉCOLOGIQUES
La conservation du patrimoine, c’est le souci d’un groupe de riverains de Maldonado qui s’oppose à l’érection d’un parc dans la Sierra de las Animas, une formation volcanique très ancienne. Ici, les « caírnes » sont attribués aux Indiens charrúas qui peuplaient la région.
« Plusieurs documents officiels déconseillent son installation, cette zone présente une importante valeur patrimoniale et une grande biodiversité, avec des espèces endémiques uniques au monde, explique Bettina Amorin, étudiante en BTS de gestion et conservation des zones naturelles. Nous sommes favorables aux énergies renouvelables. Mais pas au prix d’affecter la nature que l’on est censé protéger. »
« IL FAUT DIVERSIFIER LES SOURCES D’ÉNERGIE »
« En 2014 déjà, 95 % de l’électricité a été produite par des énergies renouvelables », rappelle pourtant Ramón Méndez : le pays compte aussi sur le solaire et la biomasse. Et, en ultime recours, sur le gaz.
« Il faut diversifier les sources d’énergie », explique Daniel Pérez. Un terminal de gaz naturel est en construction (par GDF-Suez) dans la baie de Montevideo. Mais des forages exploratoires sont aussi en cours, avec le même pragmatisme : assurer l’indépendance énergétique du pays.
Source: www.la-croix.com